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Le 26 avril 2006 - 18:14
La cour déclare inhabiles les procureurs du recours collectif dans Norbourg
Presse Canadienne
La Cour supérieure du Québec juge que les avocats de la firme Lauzon Bélanger ne peuvent piloter le recours collectif dans le dossier de Norbourg, en raison d'une situation de conflit d'intérêts.
Le juge André Prévost qui accède ainsi à la demande que lui faisait l'Autorité des marchés financiers (AMF) croit qu'il est tout à fait possible qu'un autre avocat prenne rapidement en main le dossier des investisseurs s'estimant avoir été floués, afin que la demande d'autorisation du recours collectif puisse être entendue, comme prévu, en juin.
Me Lauzon avait suggéré au tribunal de lui laisser plaider cette requête, quitte à ce qu'il se retire du dossier par la suite s'il était jugé inhabile. Cela vient de lui être refusé.
"Le tribunal ne peut accepter cette suggestion. Le stade de l'autorisation du recours collectif représente une étape cruciale du processus et il exige, en conséquence, l'application de la plus grande transparence dans la représentation des membres", peut-on lire dans le jugement rendu public mercredi.
"Le tribunal est confiant qu'un autre procureur puisse rapidement être désigné en remplacement de Me Lauzon et bénéficier du travail déjà accompli", ajoute le magistrat.
Le porte-parole de l'AMF, Philippe Roy, a rappelé que l'autorité souhaite qu'il n'y ait qu'un seul recours, depuis le début.
"Nous avons un recours "extraordinaire" annoncé l'automne dernier. Il ne s'agit pas d'un recours collectif, mais il joue exactement le même rôle. L'objectif est le même: la récupération des fonds. Et contrairement au recours collectif où l'avocat se paie en prenant un pourcentage de 20 à 30 pour cent sur la somme obtenue, nous avons déjà annoncé que l'argent récupéré sera remis en totalité aux investisseurs", a plaidé M. Roy.
"Nous mettons nos avocats au service des investisseurs. Nous considérons en outre qu'avec toutes les enquêtes menées, l'AMF est de loin la partie qui contrôle le mieux le dossier, qui a le plus d'informations. Ce qui nous place aux premières lignes pour aller défendre les dossiers des investisseurs devant les tribunaux", a renchéri le porte-parole.
Dans une décision de 16 pages, le juge explique les raisons qui l'amène à conclure au conflit d'intérêts.
Il rappelle qu'Eric Asselin, vice-président finances et contrôleur interne de Norbourg Gestion d'Actifs Inc. a signé une entente de collaboration avec l'AMF visant à démontrer les détournements de fonds contre une immunité de poursuite.
Ce même Asselin a par la suite aidé Me Lauzon à monter le dossier du recours collectif qui, à son tour, agit comme son avocat lors d'interrogatoires menés par le syndic de la faillite des sociétés Norbourg. A ce titre, il demande des documents confidentiels à l'AMF. Il les obtient. Finalement, le 3 mars, Me Lauzon ajoute à sa liste de personnes mises en cause dans le recours collectif le nom de l'AMF.
L'AMF se tourne vers la Cour supérieure
Le juge André Prévost estime que Me Yves Lauzon, en sa qualité d'avocat d'Asselin, a eu droit à des informations confidentielles sur le dossier de la part de l'AMF.
"Dans ce contexte, permettre à Me Lauzon de continuer à représenter le requérant dans le recours collectif alors que l'AMF y apparaît comme intimée, serait de nature à déconsidérer l'administration de la justice", écrit le juge.
Quant à la poursuite parallèle au recours collectif intenté par Me Lauzon visant à récupérer son investissement propre de 1,8 million $, la juge considère qu'elle le place "à tout le moins en apparence dans une situation de conflit d'intérêts".
"Rien ne permet conclure que le recours collectif est bien fondé contre tous les intimés, ou de présumer que les membres du groupe seront indemnisés pour la totalité de leurs pertes", avance le juge.
"S'il avait gain de cause dans sa poursuite personnelle, la somme qu'il réclame serait soustraite de la masse de biens à être redistribuée à l'ensemble des investisseurs", poursuit-il.
Le juge estime finalement qu'en acceptant de représenter Asselin, Me Lauzon a compromis son indépendance en se plaçant dans une situation de conflit potentiel.
"Dans l'éventualité où Asselin cesserait de respecter leur entente, Me Lauzon ne pourrait, au nom des membres du groupe, agir contre lui, soit pour le forcer à s'y soumettre, soit pour l'inclure à nouveau comme intimé dans le recours, puisqu'il a été son client", commente le magistrat.
"Aux yeux des membres du groupe, Asselin occupait une fonction auprès des sociétés Norbourg qui le rendait vraisemblablement complice des manoeuvres reprochées. En acceptant de le représenter, Me Lauzon laisse place à l'ambiguJité quant au respect du secret professionnel", assène le juge.