Les travaux parlementaires
Journal des débats
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le mercredi 3 mai 2006 ― Vol. 39 N° 21
Demande d'enquête publique
sur le dossier Norbourg
M. Rosaire Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, ce matin, le ministre des Finances a reporté aux calendes grecques la tenue d'une enquête publique sur le scandale Norbourg. Le ministre a plutôt décidé de laisser l'Autorité des marchés financiers mener le recours au nom des victimes. Le recours civil, c'est une chose, M. le Président, mais il n'a pas pour but de faire la lumière sur l'ensemble des gestes qui ont été posés dans ce scandale financier qui a floué plus de 9 000 personnes.
Pourquoi refuse-t-il aux victimes de Norbourg la tenue immédiate d'une enquête publique?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, j'ai eu ce matin, d'ailleurs avec et à la demande du député de Charlevoix, l'occasion de rencontrer des représentants justement d'une association des victimes de Norbourg et je veux compatir à la situation de ces gens-là, c'est très important. On en connaît tous, des gens qui ont été victimes et qui évidemment vivent une situation pénible parce que leur portefeuille s'est soudain... finalement... disparu sans qu'ils aient été informés d'aucune façon. On vit tous ça. On est tous d'accord là-dessus.
Cependant... et j'ai publié et je viens de déposer une brochure d'information, et le député de Charlevoix l'a certainement vue, qui donne toutes les démarches, et tout ce qui a été fait à date par l'Autorité des marchés financiers, et ce qui va être fait pour appuyer ces victimes. Ce que je peux dire, on n'a aucun problème à faire toute la lumière sur ce sujet-là, c'est notre plus grand souhait, mais on veut surtout, dans un... C'est ça, notre premier objectif: faire en sorte que les déposants reçoivent, le plus rapidement possible, justice et le plus d'argent possible, et il faudrait éviter d'entamer d'autres procédures qui auraient pour effet de retarder précisément le règlement des... financier qui est en cours actuellement.
(14 h 50)
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Charlevoix.
M. Rosaire Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, est-ce que je peux saluer les représentants des 9 000 victimes qui sont ici? C'est une question, hein?
Est-ce que le ministre des Finances est conscient que certains de ses propres collègues, dont le député de Brome-Missisquoi, appuient cette demande d'enquête publique des victimes de Norbourg?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: Oui, M. le Président, j'étais tout à fait au courant et je sais que tout le monde veut faire, veut avoir toute la lumière sur cette question-là. Ce n'est pas ça qui est cause. La question... Ce qui est en cause... Et je pense que tous les collègues ici présents, y compris d'ailleurs le député de Charlevoix, savent très bien qu'actuellement, si on démarrait une enquête publique, on aurait pour effet de mettre en danger les poursuites qui ont été intentées au civil et même contre des compagnies pour avoir des réclamations qui nous permettraient de donner encore plus d'argent aux déposants. Donc, la question évidemment est très claire: Qu'est-ce qu'on met en priorité? Qu'est-ce qu'on met en priorité? Nous, on dit que ce sont... on veut aller chercher le plus d'argent possible le plus rapidement possible pour le redonner aux déposants qui ont été lésés dans cette affaire.
Le Président: En question complémentaire, M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: M. le Président, le ministre des Finances devrait savoir que ce recours peut s'exercer de façon parallèle. Est-ce qu'il sait que les gens ici, mais tous les membres de l'Assemblée, ce qu'ils souhaitent avoir, c'est la lumière sur ce qui s'est passé dans le scandale financier Norbourg?
Alors, pourquoi ne répond-il pas favorablement à la demande qui lui est faite par les épargnants, par l'opposition, par les membres de son caucus et ouvrir une enquête sur ce scandale financier sans précédent?
Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, c'est précisément parce qu'on a beaucoup de compassion et qu'on veut redonner le plus d'argent possible et le plus rapidement possible aux déposants que l'on veut faire en sorte que les procédures actuellement en cours par l'AMF, qui, rappelons-le, fait elle-même un recours collectif au nom des déposants, paie tous les frais pour eux...
Actuellement, il y a des poursuites d'intentées contre ― et c'est dans le document, vous pouvez le voir; contre ― des groupes dont les... c'est de notoriété publique, puisque c'est dans le document, notamment des bureaux de comptables, des fonds qui eux-mêmes étaient responsables de la gestion de ces fonds-là. Il y a des poursuites de plusieurs centaines de millions qui sont actuellement devant les tribunaux. Il y a 51 chefs d'accusation qui ont été...
Le Président: Alors, dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Est-ce que le ministre des Finances peut consulter son collègue de la Justice et constater qu'une action civile est là pour une réclamation, alors qu'une enquête publique est là pour faire la lumière sur des gestes qui ont été posés qui étaient contraires à l'ordre public et que seule une enquête publique a ce mandat? Une action civile peut même se régler hors cour sans qu'aucune lumière ne soit faite sur les actions qui ont été posées. Alors, qu'il demande plutôt conseil à son collègue de la Justice et qu'il ordonne une enquête publique dans ce scandale financier.
Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, je rappelle au député de Chicoutimi qu'il y a des enquêtes criminelles en cours actuellement, de la part de la GRC, avec la Sûreté du Québec, et qui donneront lieu à des accusations prochainement, j'espère.
La question qui est en cause, c'est que déjà l'AMF a intenté des poursuites: 21,7 millions contre KPMG, 74 millions contre Beaulieu Deschambault, 115 millions contre Northern Trust, 115 millions contre Concentra Trust et 79 millions contre Placements Norbourg. Donc, il y a déjà des poursuites qui ont été intentées, et donc on ne voudrait pas mettre en cause toutes ces procédures-là et retarder un règlement. Mais toute la lumière sera faite sur ce sujet-là, vous pouvez être sûr qu'on n'a rien à cacher en ce qui nous concerne.
Le Président: En question principale, M. le député de Verchères.
Les travaux parlementaires
Journal des débats
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le jeudi 4 mai 2006 ― Vol. 39 N° 22
Conséquences d'une enquête publique
dans le dossier Norbourg sur
le processus judiciaire en cours
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: M. le Président, hier, le ministre des Finances nous disait que les recours civils ne pouvaient pas vivre en même temps qu'une enquête publique.
Est-ce que je comprends de ses propos qu'il admet aujourd'hui, effectivement, comme il est arrivé lors de la commission Gomery, comme il est arrivé lors du scandale du sang contaminé, qu'on peut effectivement avoir des recours civils et en même temps tenir une enquête publique pour connaître la vérité?
(15 heures)
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, je rappelle au député de Chicoutimi qu'il y a non seulement eu déjà des poursuites civiles, mais qu'il y a des enquêtes criminelles en cours. Et tous les propos d'ailleurs que l'on tient à cette Assemblée doivent être tenus avec beaucoup de réserves, puisqu'effectivement tant les policiers de la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale sont en train de faire des enquêtes pour éventuellement porter des accusations au criminel. Donc, il faut être très prudent, et il faut laisser la police compléter son travail, et on verra plus tard s'il y a lieu de prendre d'autres mesures comme celles qu'il propose.
Le Président: En question complémentaire, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: La question est claire. Lors de la commission Gomery, d'ailleurs, il y a des enquêtes criminelles qui suivaient leur cours en même temps. Tout le monde fait attention. Par contre, il y a 9 000 personnes, 9 200 personnes qui, elles, ont été flouées, qui voient leur retraite compromise et qui ont le droit d'avoir la vérité. Le droit à la vérité, ça a encore droit de cité en cette Assemblée. Alors, j'aimerais, pour ces gens, que le ministre s'engage aujourd'hui, dans un délai qu'il déterminera à court terme, à tenir une enquête publique sur le scandale Norbourg.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, je me suis engagé, comme l'a fait le président d'ailleurs de l'Autorité des marchés financiers ― il l'a fait, et l'autorité travaille là-dessus ― à faire en sorte que l'on recueille le plus de revenus ou le plus d'argent possible et qu'on le retourne le plus rapidement possible aux déposants. L'enquête publique ne donnera pas plus d'argent aux gens, elle ne va faire que prolonger les délais et même amener des risques quant aux enquêtes en cours et aux poursuites qui pourraient être intentées. Donc, c'est dans ces termes-là que je pense que... Les priorités du gouvernement, c'est d'abord de rencontrer les désirs des gens qui ont été floués dans cette opération.
Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Est-ce que le ministre de la Justice peut informer son collègue ― et c'est lui qui est responsable du dossier justice ― qu'effectivement, dans ce cas-ci, on peut tenir une enquête publique et que les recours civils ne sont pas là pour déterminer la vérité ou faire la lumière sur les faits, ce n'est qu'un recours civil? Il peut y avoir des règlements hors cour, il peut y avoir toutes sortes de choses. Nous n'aurons pas la vérité, et ces gens n'auront pas la vérité.
Le Président: Votre question.
M. Bédard: Est-ce que le ministre de la Justice peut enfin jouer son rôle, informer son collègue des Finances qu'il peut et qu'il doit tenir une enquête publique pour qu'on connaisse la vérité?
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, je peux rassurer le député de Chicoutimi que nous sommes en contact continuel avec le ministre de la Justice, le ministre de la Sécurité publique, l'Autorité des marchés financiers, la Gendarmerie royale du Canada. Tout le monde est actuellement à pied d'oeuvre pour faire la lumière et porter les accusations, aller chercher le plus d'argent possible pour le redonner aux gens qui ont été encore une fois lésés dans cette opération. C'est la priorité numéro un. Nous autres aussi, on est comme vous, on trouve ça malheureux, mais en même temps, si on se lance dans un processus d'enquête publique, ce sont ces gens-là qui risquent d'être pénalisés, de ne pas avoir l'argent plus rapidement qu'ils pourraient l'avoir.
Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.
M. Stéphane Bédard
M. Bédard: Est-ce que le ministre sait qu'au-delà du malheur ces gens s'attendent à avoir la vérité? Est-ce que le ministre de la Justice ne devrait pas jouer son rôle et ne pas se décharger sur les autres enquêtes en cours? Tout le monde fait son travail, la police, les autres agences. C'est maintenant au gouvernement à jouer son rôle. Et le rôle qu'il a à jouer, c'est ordonner une enquête publique sur des faits qui ont floué 9 200 personnes, qui ont privé de retraite des gens qui avaient économisé toute leur vie. À combien de victimes... Ça en prend combien au gouvernement pour ordonner une enquête publique? En haut de 10 000?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Michel Audet
M. Audet: M. le Président, je trouve malheureux que le député de Chicoutimi politise un débat comme celui-là, c'est...
Des voix: ...
M. Audet: Non, non. Je suis très sérieux. C'est une question qui effectivement nous afflige tout autant, et je pense que le député de...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Vous avez posé la question dans l'ordre, le même ordre devrait être pour la réponse. M. le ministre des Finances.
M. Audet: M. le Président, le député de Chicoutimi doit savoir qu'avec le député de Charlevoix nous sommes en relation très étroite sur ce dossier-là. On s'en parle régulièrement, on fait l'impossible, avec l'Autorité des marchés financiers, pour trouver des solutions. Il y a même eu des rencontres spéciales d'organisées avec l'Autorité des marchés financiers. On a publié, hier, un document pour donner l'information à tout le monde sur le processus en cours, les recours qu'il pourrait y avoir, comment l'argent va être récupéré. On a tout expliqué ça aux gens, et c'est, je pense... La responsabilité du gouvernement, c'est de s'assurer justement que les gens aient justice, et c'est ce qu'on essaie de faire, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chicoutimi.